Interview – Confinement hors norme au Laos

Partie seule pour un tour du monde en janvier 2020, lorsque la pandémie explose, Anaïs fait le choix de ne pas rentrer en France et se confine dans une petite communauté sur une île laotienne située sur le Mékong. Un an après, elle raconte son experience et dévoile le quotidien de ce confinement hors normes.


Amé : Salut Anaïs, merci d’avoir accepté de nous parler de ton confinement hors normes au Laos. Donc tu étais partie pour un voyage de 6 mois en Asie en janvier 2020. Lorsque la pandémie a commencé tu étais au Laos et tu as fait le choix de rester sur place. Peux-tu nous en dire plus sur toi et nous raconter ton expérience s’il-te-plait ?

Anaïs : Oui avec plaisir merci. Alors j’ai 29 ans, j’étais cheffe de projet marketing en France avant mon voyage. Je suis passionnée d’art, je peins et dessine beaucoup.

J’étais partie pour un tour du monde d’un an en janvier 2020, 6 mois en Asie et 6 mois en Amérique Latine. Après un mois en Thaïlande et un mois en Birmanie, je suis arrivée au Laos en mars, un peu par hasard, au fil de mes rencontres avec d’autres voyageurs. Après quelques jours dans le nord du pays (Muang Ngoi et Nong Khiaw) je suis retournée à Luang Prabang pour retrouver une suissesses rencontrée en Birmanie. De là nous commençons à former un petit groupe de 9 voyageurs venus des quatre coins du globe. Nous nous retrouvons tous à Vang Vieng, la ville de la fête au Laos. Puis tout s’est enchaîné très vite. On apprenait par les réseaux sociaux ou nos proches que l’Europe était en pleine panique face au virus dont on n’avait que peu entendu parler à l’époque. Des mots tels que « confinement » revenaient souvent et on a commencé à se poser des questions :

Devrions-nous nous isoler également ?

Juste pour 15 jours histoire de voir comment ça évolue ?

On venait de faire prolonger nos visas quand on a appris que le Laos fermait ses frontières et ses provinces. D’ailleurs, le dernier bus pour quitter la ville était déjà parti.

Après deux jours de voyage épuisant et stressant dans des conditions assez cocasses, nous posons enfin le pied sur l’île. Notre île !

Les deux semaines se sont transformées en deux mois, notre groupe de voyageurs s’est transformé en famille.

Anaïs et ses colocs de confinement devant leur maison à Don Det

Presque coupés du monde et de la folie de la pandémie mondiale, isolés sur notre île avec moins de 150 locaux et voyageurs, la vie était d’une grande sérénité. Nous passions notre temps à jouer avec les enfants, dessiner, peindre, nous baigner, chanter, danser et cuisiner. Nous faisions la fête comme si la pandémie n’existait pas. Le Laos recensait alors moins de 20 cas de Covid et nous nous sentions protégés, libres et profondément heureux d’avoir fait le choix de rester.

Après deux mois les provinces ont réouvert et nous avons repris notre voyage au Laos, toujours en famille. Mes amis sont rentrés chez eux au fur et à mesure du temps. Je suis restée au Laos cinq mois au total. Ce pays aura toujours une place incroyable dans mon coeur. Je suis infiniment reconnaissante d’avoir vécu cette expérience privilégiée avec des personnes que je n’oublierai jamais.

Amé : Génial ! Comment c’est Don Det et la vie là-bas ? Est-ce-que tu peux décrire ?

Anaïs : Don Det est située dans ce qu’on appelle les 4000 îles, sur le Mékong à la frontière cambodgienne. On y arrive en barque à moteur en 15 minutes et on débarque sur une plage de sable fin. La rue principale est entourée de petits restaurants et bars locaux. Il y a aussi un minuscule supermarché où on trouve les produits de base et l’alcool. Seuls trois ou quatre restaurants sont restés ouverts pendant le confinement. On y restait des heures, allongés à même le sol sur des matelas, à commander des shakes de manges fraîches et de noix de coco pour 1€. On y mangeait souvent le midi pour moins de 2€ : pumpkin burger avec frites, ou soupe de nouilles aux piments frais.

Sur l’île, il n’y avait pas de route, seulement un chemin de terre qui en faisait le tour. On se déplaçait à pieds, à vélo ou en moto. À la maison, on avait deux chiens qui nous ont adoptés, et un troupeau de vaches dans le champ d’en face. Elles s’aventuraient parfois dans notre jardin pour manger les bananes et les papayes qui y poussaient. Il y avait plusieurs petites plages autour de l’île et un pont qui la reliait à une autre île où on trouvait de nombreuses cascades.

On retournait deux fois par semaine sur les rives du Mékong à Nakasong pour acheter des fruits et des légumes frais au marché. On cuisinait souvent pour le déjeuner, Shak notre coloc israélien régalait de ses Shakshuka et de hummus (jusqu’à pénurie de pois chiches qui venaient de Thaïlande). On a organisé plusieurs soirées pizzas car ont avait un four à pizza. On préparait aussi des pancakes au lait de coco. On faisait souvent des jeux d’alcool car la bouteille de whisky était à 1€ ! Mais après deux mois on en savait trop les uns sur les autres pour continuer à jouer à « Action ou Vérité ». Le reste du temps, on vivait au rythme de l’île et de ses habitants, sous 4) degrés.

Les 4000 îles sur le Mékong aux alentours de Don Det

Amé : Qu’est ce qui a fait que tu as décidé de rester au Laos ? Par obligation car le dernier bus était parti ? Dis m’en plus sur le process de « on loue une baraque et on reste ».

Anaïs : On avait déjà commencé les recherches pour la maison en se disant « on va s’auto-confiner, ce serait cool d’avoir une maison pour nous tous pour 15 jours, on ne sait jamais ». Puis on a dû décider en 30min si oui ou non on faisait tout pour y aller ou si on essayait de prendre un des derniers avions à Vientiane. On a tous eu des raisons différentes de rester. Personnellement, j’étais au début de mon voyage censé durer un an. J’étais en congé sabbatique, rien ne m’attendait en France, donc le choix a été très vite fait.

Amé : Est-ce que tu as ressenti la peur à un moment ? Peur de rester sans savoir ce qu’il allait se passer par exemple ? Ou as-tu toujours été sereine ?

Anaïs: J’ai toujours été assez sereine. Comme il n’y avait aucun cas de Covid sur l’île et que personne ne pouvait plus y acceder, je me suis toujours sentie protégée. Les seuls moments un peu stressants c’était lorsque j’appelais ma famille. J’avais l’impression qu’on ne vivait plus dans le même monde. La situation avait l’air beaucoup plus préoccupante pour eux que pour nous …

Anaïs et ses amis dans le Mékong à Don Det

Amé : Quel est ton meilleur souvenir ou sentiment de cette période ?

Anaïs : J’ai vraiment eu l’impression d’avoir pris l’une des meilleures décisions de ma vie. De pouvoir vivre ça alors que le reste du monde est en panique, tous les gens enfermés chez eux… Je vivais dans un véritable rêve, et on se le disait chaque jour. Être entourée de gens aussi géniaux a été une véritable bénédiction.

Amé : Pourquoi es-tu partie et quel était ton projet à la base ? Vacances ? Tour du monde ? Projet de t’installer dans un autre pays ?

Anaïs : J’étais partie pour un tour du monde de un an, après lequel je souhaitais m’installer dans un pays anglophone : L’Australie. À cause du Covid, cela n’a pas été possible car un an après les frontières australiennes sont toujours fermées. Après 5 mois au Laos, je suis partie en Grèce, au Portugal, au Mexique, au Guatemala et au Canada où j’attends actuellement mon Permis Vacances Travail (PVT), car je n’ai pas abandonné mon projet de m’installer dans un pays anglophone.

Amé : Comment t’es venue cette envie de faire le tour du monde et de vivre à l’étranger et comment as-tu réussi à concrétiser ce projet ?

Anaïs : J’ai longtemps entendu mon père raconter ses voyages à travers le monde. J’écoutais ses récits et je regardais défiler les photos de contrées lointaines avec une envie grandissante, puis brûlante de partir découvrir la planète. Le premier pays dont j’ai vraiment rêvé fut le Japon, je devais avoir cinq ou six ans. Les costumes traditionnels colorés, les paysages sortis tout droit d’un film d’animation, les saveurs nippones. Tout m’attirait, m’émerveillait, et renforçait année après année mes désirs d’ailleurs. Puis je me suis lancée. Mes voyages sur la route sont devenus mes préférés : moins de préparation, plus d’aventure et de meilleurs souvenirs ! C’est ainsi qu’est né mon projet. Puisque je voulais parcourir le globe, que je ne pouvais me contenter des cinq semaines par an que m’octroie le droit du travail français, j’allais partir loin et pour longtemps, j’allais faire le tour du monde !

Cette idée est restée en moi pendant des années. J’y ai pensé chaque jour, j’y ai songé chaque nuit. Ce projet je l’ai imaginé, j’en ai rêvé, je l’ai construit, détruit puis reconstruit. J’ai parcouru du doigt mille lignes imaginaires sur des cartes en me répétant à voix haute les noms de villes, de montagnes et d’îles exotiques. Et finalement un jour je suis partie.

Anaïs, ses amis et les locaux de l’île de Don Det

Amé : Comment as-tu réussi à faire de ce projet une réalité et notamment d’un point de vue financier ?

Anaïs : J’ai travaillé après mon master, pendant 3 ans et demi et j’ai mis de côté tous les mois en me serrant un peu la ceinture. Si je recevais de l’argent à Noël ou pour mon anniversaire je le mettais aussi de côté en vue de ce projet. Je voulais partir 11 mois dans le cadre d’un congé sabbatique sans devoir travailler sur la route. En restant 5 mois dans le même pays j’ai finalement moins dépensé que prévu et j’ai pu partir 15 mois.

Amé : Dernière question, qu’est-ce-que tu as trouvé au fond de toi, d’un point de vue moral ou spirituel, du fait d’avoir vécu dans des conditions aussi contrastées par rapport à ce qui se passait dans le reste du monde ?

Anaïs : Plus que jamais, la vie est courte ! Écouter son coeur, suivre son instinct, s’ouvrir à l’inconnu et surtout, profiter de chaque instant. Ce qui te fait peur aujourd’hui sera peut-être la plus belle expérience de ta vie, alors fonce ! Ça fait un peu guru de dire ça mais après l’avoir vécu je ne peux que le confirmer. Je suis tellement reconnaissante.


Edité par Pluchon

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Publié par Amé

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5 commentaires sur « Interview – Confinement hors norme au Laos »

  1. Bravo c est super j adore tous ces récit de voyage de toutes ces personnes qui franchissent l’évitas et qui partent
    Merci de nous faire vivre ces expériences
    De plus c’est fluide et très facile à lire bien écrit

    Aimé par 1 personne

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